L’illustration pour sensibiliser à la beauté fragile de notre biodiversité, par Alice Flore

Le travail d’illustration d’Alice est tout simplement remarquable. Incroyable naturaliste, engagée pour la cause animale, grande amoureuse du sauvage, elle immortalise la beauté de notre faune et de notre flore à travers ses crayons. Les trésors de notre Terre l’inspirent profondément et cela se ressent à travers son interview plein de douceur, de poésie et d’amour pour ce tissu vivant qui tente de co-habiter avec l’Homme.

Alice est une personne dont le travail m’inspire beaucoup. Grâce à son coup de crayon totalement envoûtant, j’ai à coeur d’essayer, entourée du sauvage, de réaliser des croquis de ce qui m’entoure.

Bonne lecture ! 🥰 N’oubliez pas de lui laisser un petit mot en commentaire et à suivre son travail (lien en bas de l’article). Les photos/illustrations sont protégées par son droit d’auteure.

Alice Flore, illustratrice


Je m’appelle Alice, j’ai 30 ans. J’ai grandi dans la campagne normande, en Seine-Maritime, au sein d’une famille qui m’a transmis sa passion pour la biodiversité, notamment pour l’ornithologie. 

Mon 3ème prénom, que j’utilise comme nom de plume, témoigne d’ailleurs de cet amour familial pour la nature : Flore ! 

Ces années d’enfance au contact du monde sauvage m’ont appris à l’observer avec respect et émerveillement. 

À attendre les premiers martinets, le passage des oiseaux migrateurs et la mue des libellules dans la mare du jardin. À guetter les empreintes au détour du sentier, les chauves-souris dans les crépuscules d’été ou le chant des crapauds accoucheurs. 

Dessiner tout ce petit monde avec mes crayons de couleurs…

Je suis aujourd’hui illustratrice, et j’allie ces deux passions dans mon métier : la nature et le dessin. 

Alice Flore / Alice Béteille, illustratrice : tout droit réservé

Souhaitant faire du dessin mon métier, j’ai fait des études artistiques, plutôt longues et chaotiques. J’ai ainsi suivi une année de prépa aux écoles d’art, les beaux-arts à Poitiers, une licence en arts plastiques à Paris, une année de césure dans la vente, puis 3 ans de bachelor en design textile (design motifs). 

J’ai été embauchée par l’entreprise de papiers peints où j’ai passé mon stage de fin d’études, et j’y dessine aujourd’hui des décors panoramiques composés de paysages, de plantes et d’animaux. En parallèle, je me suis lancée comme illustratrice free-lance, à mon compte.

Tu es engagée à la LPO, peux-tu stp nous en dire plus ? T’engages-tu dans d’autres assos ?

J’ai côtoyé les milieux associatifs durant mon enfance, par mes parents. Aujourd’hui à Paris, j’ai ressenti le besoin d’agir tout en rencontrant des gens passionnés de nature. 

Avec la LPO, je participe à des stands pour sensibiliser le public ainsi qu’à des suivis et actions de préservation en Idf. En ce moment, je surveille par exemple une nichée de faucons pèlerins à Paris, afin de participer à la connaissance et à la protection de cette espèce. J’en apprends à chaque session un peu plus sur eux et c’est passionnant de les observer !

Par ailleurs, je suis illustratrice bénévole pour Baleine Sous Gravillon, un podcast indépendant de vulgarisation scientifique. Il se présente sous forme d’entretiens avec des personnalités amoureuses de la biodiversité, scientifiques, auteurs, photographes ou encore explorateurs, qui racontent la nature et les êtres vivants. 

J’ai également été bénévole à l’Hirondelle, un centre de soin pour la faune sauvage près de Lyon, qui accueille et soigne plus de 4000 animaux par an, en tant que soigneuse martinets.

Ces oiseaux sont nombreux à être retrouvés au sol, affaiblis ou blessés, notamment les juvéniles lors des canicules ou de travaux de restauration, et nécessitent un soin à temps plein.

Ce fut une expérience riche en émotions que de s’occuper de ces petits êtres et d’apprendre à connaître chaque caractère, bien marqués ! Et quelle récompense indescriptible que de les voir enfin s’envoler et retrouver leur liberté !

Pourquoi l’illustration animalière, depuis quand ? Quels sont tes objectifs, le message que tu souhaites faire passer ?

Enfant je dessinais essentiellement des animaux sauvages, souvent intégrés dans un paysage. Je les recopiais assidûment des livres naturalistes que j’avais sous la main, ou je les imaginais après les avoir observés dans la nature. Pourtant la volonté d’en faire mon métier n’est venue qu’au premier confinement.

Cette pause inattendue et prolongée, dans un environnement naturel, a accéléré la remise en question de mon travail dans l’univers de la décoration.

J’aspire à retrouver plus de sens au quotidien. L’effondrement actuel de la biodiversité me bouleverse et j’aimerais utiliser l’illustration pour sensibiliser davantage à ce sujet. Utiliser ce biais pour valoriser la beauté de la biodiversité qui nous entoure, souvent dépréciée. Susciter de la curiosité pour les espèces discrètes et inconnues. Participer à reconnecter l’humain et la nature, pour préserver ce qui peut encore l’être. 

Passes-tu beaucoup de temps dans la nature pour t’inspirer ? Si oui, saurais-tu évaluer ce temps ?

J’ai besoin de passer du temps dans la nature très régulièrement, elle m’est indispensable, surtout depuis que je vis à Paris. Elle est ma source d’inspiration mais surtout de bien-être. Je m’y plonge dès que possible, tous les week-ends et parfois le midi dans les parcs parisiens. 

Avec souvent le regret de ne pas avoir plus d’espaces sauvages à proximité, pour l’instant.

Peux-tu nous en dire plus sur ton métier, ton procédé, le temps que cela peut prendre en fonction du dessin ?

En tant que designer textile/motifs, je réalise des décors panoramiques, imprimés sous forme de papiers peints. Je dessine et peins les paysages et tous les éléments, animaux et végétaux, à la main, généralement séparément, avant de les scanner et de les composer en infographie.

Le temps est variable selon la technique (aquarelle, gouache, crayons de couleurs,…) et la complexité de la composition. Je passe généralement plus d’un mois sur un décor, entre les recherches, les dessins et les tests d’impressions finaux pour ajuster les couleurs. 

En illustration, le temps varie de quelques heures à quelques jours selon la technique. Là encore, je dessine majoritairement à la main puis je scanne, pour livrer un fichier numérique. 

Je travaille également sur tablette numérique, pour des projets qui ne nécessitent pas de traitement fait main ou pour coloriser un dessin scanné, par exemple.

Peux-tu nous raconter ta plus belle rencontre animalière ?

Pour moi les plus belles rencontres sont celles inattendues, celles qui surgissent quand on s’y attend le moins et font battre le cœur plus fort.

Celle qui me vient à l’esprit a eu lieu pendant le tout premier confinement, que j’ai eu la chance de passer dans la campagne normande, en bordure de forêt. Ce matin-là, comme presque tous les jours de cette période, je suis dehors. Petite accalmie après la pluie, les oiseaux recommencent à chanter. Je m’enfonce dans la forêt, je respire à pleins poumons le parfum des conifères, de la mousse, de la terre mouillée. Soudain tout est devenu très silencieux. Un oiseau, que je n’arrive pas à identifier, alarme. Je me fraie un chemin à travers les ronces et me glisse près d’un tronc. La plus discrète possible, je le cherche du regard. 

Sautant de branche en branche, elle apparaît. Une martre !! Ma première observation de martre, inattendue ! Elle passe devant moi, assez proche. Je ne sors pas l’appareil photo et je n’ose plus respirer. Il me semble qu’elle m’a vue, elle tourne la tête de mon côté, s’arrête un instant puis continue tranquillement son chemin, secouant les branches sur son passage. Le cœur battant, je profite simplement de l’instant…magique !

 Quels sont les artistes qui t’inspirent et pourquoi ?

Les anciennes illustrations naturalistes m’inspirent forcément, à une époque où sciences et arts étaient intimement liés et le dessin indispensable pour décrire les espèces. Il y a tant de chefs-d’œuvre parmi les planches naturalistes du XVIIeme au XIXeme ! L’Histoire naturelle de Buffon ou les oiseaux de Jean-Jacques Audubon pour ne citer qu’eux. 

Pour le côté décoratif William Morris, inspiration majeure dans les arts décoratifs et dont j’aime particulièrement les motifs floraux entrelacés.

Parmi les illustrateurs actuels, difficile de n’en citer que quelques-uns… j’admire l’univers poétique de Lieke van der Vorst, artiste néerlandaise, tout en harmonie entre humains, animaux et plantes. 

La technique de Nikita Charushin, dessinateur russe de livres animaliers pour enfants qui apporte beaucoup de force et de vie à ses dessins.

La douceur du trait de Marion Kieu, que j’ai croisé lors de mon cursus, les incroyables illustrations nature de Céline Lecoq.

Enfin celles d’Amandine Delaunay (Le loup blanc) et ses animaux très graphiques qui m’ont donnée envie de faire ce métier !

 Quel est le dessin dont tu es la plus fière & celui que tu rêves de faire ? 

La série dont je suis la plus fière est celle des 4 alpages, au fil des saisons, pour le Parc National du Mercantour. C’était un vrai plaisir à imaginer et travailler et je suis ravie d’avoir eu cette belle opportunité.

Le dessin que je rêve de faire est celui qui pourrait avoir un réel impact, avec un message fort. Un dessin qui toucherait le plus grand nombre et porterait une cause plus loin.

As-tu d’autres domaines qui t’intéressent / te passionnent ?

J’aime la photographie et observer le monde à travers un appareil photo me permet de voir autrement les détails, les compositions, les lumières. 

Liée à ma passion pour la nature, je suis aussi passionnée de randonnée. C’est le meilleur moyen à mon sens pour découvrir un espace naturel, tout en le respectant au maximum, et d’y faire de belles rencontres.

J’ai notamment fait des randonnées itinérantes, tente sur le dos. Les réveils dans la nature méritent tous les efforts !

Enfin, très différent, je pratique le roller de vitesse, en club à Paris. 

 Quels conseils donnerais-tu aux apprentis illustrateurs ?

Comme pour beaucoup de domaines, pratiquer au maximum… ne pas avoir peur de faire un dessin « moche ». Utiliser un outil qu’on ne peut pas gommer (stylo, feutre…) peut même être une bonne idée pour débuter ! On apprend bien mieux des essais multiples et des ratés, qu’en gommant incessamment.

C’est normal aussi d’utiliser des images de référence. Il y a ce mythe du dessinateur qui travaille avec son imagination… c’est extrêmement rare ! Tous les illustrateurs utilisent des modèles, des images et photos en appui, pour comprendre les formes, les ombres et couleurs, sans copier pour autant.

Quand j’ai commencé mes études, le premier conseil que l’on m’a donné c’est de toujours avoir un carnet sur soi, et de croquer dès que possible, quand on a un moment, même dans une salle d’attente. 

J’ajouterais de dessiner ce que l’on aime… car, spoiler, non les salles d’attente ne m’ont jamais inspirées ! Par contre j’ai commencé à m’amuser, et donc à évoluer, quand j’emmenais mon carnet dans la nature et croquais paysages, plantes, etc.

Quels sont tes projets, ton actualité, tes prochains challenges en dessin ?

Je suis en train de finaliser mon site internet, que j’ai hâte de dévoiler !

Beaucoup d’idées en tête par ailleurs. Avec le renard et le blaireau, j’ai commencé une série sur les animaux dits « nuisibles » et chassables. C’est un sujet qui me tient à cœur et j’aimerai valoriser toutes ces espèces mal-aimées, il en reste malheureusement beaucoup à figurer.

J’ai également des animaux illustrés pour Baleine Sous gravillon qui ne sont pas encore sortis de leur terrier, j’espère pouvoir les montrer très prochainement. 

Un petit mot pour la fin de l’interview ?

S’émerveiller. Toujours. je crois que c’est la clé 🙂

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