Très émue par la sensibilité qui se dégage de l’interview de Julien nous expliquant sa prise de conscience progressive sur la fragilité du monde sauvage et sa vie qu’il veut en osmose avec la nature. La photographie ponctue ses sorties de manière passionnante et magnifique pour rendre justice à toute cette beauté qui nous entoure, impactée de façon tragique par l’Homme.
Je vous souhaite une très belle lecture.🥰
N’oubliez pas de lui laisser un petit mot en commentaire et à suivre son travail (lien en bas de l’article). Les photos sont protégées par son droit d’auteur.

Julien Rambeau,
photographe animalier
Je m’appelle Julien Rambeau, j’ai 39 ans, j’habite dans le département de l’Ain et actuellement je suis responsable technique dans l’informatique, ainsi que photographe animalier.
J’ai grandi en milieu rurale, dans un petit village entouré de prairie, de champs, de rivières. Petit, j’étais tout le temps dehors à explorer et jouer, je me suis vite attaché à la faune et la flore qui m’entouraient.
C’est à l’âge de 24 ans que je découvre la photographie animalière, et que je prends conscience de la beauté de la liberté animale.
Le temps passe et ma sensibilité écologique, pour la nature et la vie sauvage, se développe encore plus. En 2017, une page de ma vie se tourne et je me redécouvre autour de la passion des grands espaces et de la photographie animalière.
Quel est ton parcours ? / Ton travail
En 2009, lors d’un voyage au Kenya, je découvre la photographie animalière, c’est le début de deux nouvelles passions : La photographie et la beauté de la vie sauvage.
Toutefois, je rentre de ce voyage sous le choc du tourisme de masse qui impacte profondément la vie sauvage. Dès lors, ma vision du monde prend une nouvelle perspective. Je m’intéresse et m’engage dans la cause animale et la préservation des écosystèmes.
Le temps passe et mes premières passions autour de l’informatique s’estompent peu à peu pour laisser revivre une passion d’enfance, la nature, la randonnée, les animaux, la photographie.
En 2018, je crée une association de randonnée / ramassage de déchets. La photographie commence à prendre plus d’importance pour moi et je décide d’apprendre en autodidacte à vraiment me servir de mon appareil photo.
En 2019, l’apprentissage continue, cette fois autour des spécificités de la photographie animalière et je passe de plus en plus de temps à découvrir la faune sauvage autour de chez moi.
En 2020, je passe un Diplôme Universitaire de photographie nature et d’environnement pour me professionnaliser dans ma nouvelle passion qui était en dormance.
Depuis, je passe tout mon temps libre à la photographie nature, je sensibilise le public à travers des expositions et des rencontres, je transmet mes compétences photos et naturalistes aux autres.
Photo de gauche : Tourisme de masse impactant la vie sauvage – Léopard coincé (dans l’arbre) – Kenya / Photo de droite : Bâillement ou rugissement ? – Lionne- Kenya



Pourquoi la photo animalière, depuis quand ? Quels sont tes objectifs, le message que tu souhaites faire passer ?
C’est mon amour pour la vie sauvage qui m’a amené à la photographie animalière, depuis 2009 (le coup de cœur), activement depuis 2017.
J’aimerais avoir plus de temps pour m’émerveiller de la vie sauvage et je souhaite partager mon regard et sensibiliser le grand public en transmettant une plus grande conscience de notre connexion au vivant au travers de mes photographies.
Photo : En quête de fraîcheur – Éléphants – Kenya

Que t’apporte cette merveilleuse passion ?
Clairement cette passion m’apporte du plaisir, me rend heureux, m’apaise et me ressource.
Elle m’apporte aussi un incroyable réseau de gens qui me ressemble et ça fait du bien au moral 🙂

As-tu une idée du temps passé sur le terrain ou en affût ?

Non aucune idée précise, je dirai beaucoup. Et souvent sans repartir avec l’image rêvée. Ce temps passé n’est pas désagréable, j’aime observer ce qui m’entoure, me perdre dans mes pensées. Même si je suis dans l’attente d’une observation précise qui ne vient pas, je ne vis pas cela comme du temps perdu.
Quelles sont les difficultés que l’on peut rencontrer ?
L’attente elle-même peut être une difficulté, l’engagement physique peut aussi en être une.
Chaque situation offre son lot de difficultés, la préparation et l’expérience sont essentielles pour les limiter.
L’organisation et l’anticipation sont importantes aussi. Je me souviens d’une situation, c’était à mes débuts, j’étais en sortie photo chamois en montagne. Je voulais arriver tôt sur un spot que j’avais déjà identifié afin d’avoir une belle proximité sans déranger. Sauf que, je me suis retrouvé en retard, j’avais peur de ne pas être en place à temps. J’accélère donc le pas, mais le dénivelé me met vite à bout de souffle et je ne suis pas aussi discret que je l’aurais souhaité. Juste avant d’arriver, j’aperçois un chamois déjà présent, et ce dernier m’avait déjà entendu arriver et s’est éloigné. Bilan, mon manque d’organisation et d’anticipation, ainsi que l’engagement physique nécessaire m’ont mis en difficulté, je n’ai pas eu la proximité désirée, et j’ai échoué dans l’application de mes valeurs éthiques. (Même si le chamois s’est juste éloigné de quelques mètres, j’ai créé un dérangement, ce que je voulais éviter…)

Que penses-tu de l’éthique en photographie animalière et quelle est ton éthique, ton exigence lors de tes sorties photos ?
C’est une évidence, comme dans n’importe quelle discipline d’ailleurs… Avant même d’être photographe animalier, j’avais conscience des impacts de l’Homme sur la nature et de la nécessité de coexister avec toute la vie sauvage.
Mon éthique est générale sur l’ensemble de ma vie et de mes choix, y compris en photo animalière. Pour moi, la photographie animalière est bien plus qu’une passion, c’est devenu un besoin physiologique pour mon bien-être.
Si demain je n’avais plus accès à cette vie sauvage, cela me rendrait sûrement malade. Aussi, je m’applique une éthique qui consiste tout simplement à respecter le vivant autour de moi, ne pas dégrader ou déranger la nature et les animaux.
Photo : Querelle de Marmotte – France

Quelle est ton approche lors d’une sortie photo ?
Je m’émerveille de ce qui m’entoure, je prends conscience du milieu dans son ensemble, vigilant de ne pas déranger/dégrader.
En terrain connu, j’ai mes repères, mon expérience d’observation et suffisamment de connaissances pour connaître les limites à ne pas franchir.
En terrain inconnu, je prends le temps d’observer et d’apprendre un maximum de choses. Je me crée mes repères et je prends conscience de la faune et la flore présente.
Je m’efforce de limiter au maximum l’impact de mon passage.

Peux-tu nous raconter ta plus belle rencontre animalière ?

Toutes mes rencontres sont belles, mais une rencontre me laisse un souvenir et une sensation particulière.
Dans ma région, les oiseaux d’eau sont beaucoup chassés et ils ont une grande distance de fuite. Pas facile de les observer. Je décide donc de faire un affût pour observer de plus près les Hérons.
En place à la bonne heure, je n’ai plus qu’à patienter et observer. De nombreux oiseaux commencent à arriver sur l’étang, c’est déjà un régal pour les yeux. L’après-midi se termine, les couleurs commencent à devenir intéressantes, le comportement des canards, très craintif à cause de la chasse, me laisse penser que je suis bien fondu dans le paysage.
Hérons cendrés et grandes aigrettes arrivent, la proximité est de plus en plus intéressante, un héron me passe juste au-dessus, puis un autre devant, fait un beau demi-tour pour se poser avec grâce juste devant moi.
C’est le premier moment où je me suis senti libre et en osmose avec la nature. Un sentiment de bien-être m’a envahie, une adrénaline pas comme les autres, j’en ai même oublié de respirer pendant quelques instants… Ce n’est pourtant qu’un Héron.
Photo : Atterrissage majestueux – Héron cendré – France

Quelles sont les espèces que tu rêverais de photographier et pourquoi ? / Quel est ton plus grand rêve en tant que photographe ?
Clairement je ne suis pas en quête de photographie d’une espèce, je suis en quête d’un équilibre entre l’Homme et la nature.
Si je devais choisir, je dirais le lynx, en France, à l’état libre et sauvage évidemment. Parce que c’est un magnifique et indispensable prédateur.
En y réfléchissant, je m’aperçois que le grand rêve auquel je pense n’est pas vraiment un rêve de photographe… ce serait de constater que l’Homme a réussi à coexister avec la nature et la vie sauvage sans créer de souffrance.
Même si on y arrive par endroit, il y a encore beaucoup de choses à faire.
Quels sont les photographes qui t’inspirent et pourquoi ?
Vincent Munier, par son style, sa simplicité et son amour pour la faune sauvage. C’est le plus populaire et le premier que j’ai connu lorsque je me suis intéressé à la photographie animalière.
Très vite, j’ai découvert d’autres photographes, tels que : Joël Brunet, Fabien Gréban, Adrien Favre, etc… ils m’ont tous inspirés et donné envie de découvrir la vie sauvage par la photographie.
Que penses-tu des retouches/post-traitement en photo ?

Ce sont 2 choses différentes. Personnellement, je ne fais que du post-traitement car je ne cherche pas à dénaturer mes photos.
Le post-traitement est nécessaire car je réalise mes prises de vue en RAW. Et chaque photo représente un instant de nature qui avant d’être dans mon boîtier, est dans ma tête, tel que je le ressens. Donc chaque image mérite un traitement particulier pour coller à mon ressenti et refléter ma vision des choses.
Photo : Le post-traitement – Bec-croisé des sapins – France
Quelle est la photo dont tu es le plus fier ?
Je ne ressens pas vraiment de fierté, mais de la chance. De la chance, d’avoir pu observer certaines scènes de vie animale, de la chance de constater encore de la quiétude lorsqu’on se montre non menaçant.


Photo gauche : La récompense d’une chasse vitale – Kenya / Photo droite : La quiétude d’un animal chassé – France
As-tu d’autres domaines qui t’intéressent en photos et/ou d’autres passions ?
Je fais aussi beaucoup de photographie de paysage et de macro. Globalement mes passions c’est observer la nature.


Photo gauche : Lumière sur la coccinelle / Photo droite : Oxygène – Forêt des Baronnies provençales
Quels conseils donnerais-tu aux photographes animaliers ?

Suis-je légitime à donner des conseils ? Je ne pense pas, mais bon 🙂 Si oui alors, le voici : Mon conseil est de prendre votre temps, ne pas être pressé de rapporter une photo de telle ou telle espèce. Il est nécessaire d’apprendre de la nature et d’avoir une éthique pour photographier sans impacter ce qu’on aime observer.
Quels sont tes projets, ton actualité, tes prochains challenges photo ?
Je vais prochainement démarrer un nouveau reportage photo afin de continuer à sensibiliser autour de moi.
Pas de challenge photo, je préfère prendre le temps et laisser les choses venir.
Un petit mot pour la fin de l’interview ?
Si vous aimez la nature, ce qui est obligatoirement votre cas 🙂 laissez-lui de la place et respectez-là.
Merci beaucoup Léa de m’avoir proposé cette interview, c’est un plaisir de te répondre et de partager avec tes lecteurs mon parcours et ma vision de la photographie animalière.
Continuez à vous émerveillez.
Photo : L’étincelant – Guêpier à queue d’aronde – Sénégal

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Un petit coucou à Julien dont j’ai été ravi de faire la connaissance cette année à Cusset, merci encore pour cette interview, toujours aussi intéressant !
J’ai rencontré Julien au Festival de Samuel Faure « Picture For Nature » en 2022. Un photographe vraiment très sympathique.